Logement
en Wallonie : sortir de l’enlisement
Politique,
revue de débats 06/05/12 -Ce texte a été présenté
à la journée de clôture des Assises pour l’égalité, le 29 mars
2003.
Égalité
dans l’accès au logement
Les Assises pour
l’égalité en ont parlé à Verviers, Arlon, Louvain-la-Neuve et
Mons. Pendant deux ans, elles furent les témoins privilégiés de
situations de vie frisant parfois l’insupportable. Levée de voile,
par des citoyens préoccupés, sur un secteur en danger.
L’article 23 de la
Constitution belge proclame que "chacun a droit à un logement
décent". Malheureusement, en Wallonie, placés dans
l’impossibilité de pouvoir concrétiser ce droit, de plus en plus
de familles et d’individus basculent dans la précarité,
l’endettement et l’exclusion sociale.
Lors de la séance de
clôture du chantier de l’égalité du Hainaut Occidental, une
citoyenne tirait en effet la sonnette d’alarme : « Comment peut-on
vivre décemment avec 1000 euros par mois quand on paie déjà 500
euros de loyer et de charges ? »
Depuis plus d’un an et
demi, quatre chantiers des Assises se sont penchés sur la
problématique du logement en région wallonne. Pour alimenter la
réflexion, poser des constats et trouver des pistes d’actions
égalitaires, les groupes de travail de Verviers, Arlon,
Louvain-la-Neuve et Mons ont décidé de fonder leur démarche sur
l’étude des nouveaux plans d’ancrage communal et sur l’expertise
de personnes directement impliquées dans le secteur du logement
(représentants de CPAS, d’AIS, de sociétés de logements de
service public, de centres d’accueil, de
mandataires
politiques...)
Un
secteur en crise
Chacun sait l’importance
du logement, lieu de sécurité, de garantie de vie privée,
d’épanouissement et d’éducation. La maison, l’appartement,
c’est la famille.
L’absence de foyer ou
la perspective de cette absence mine le couple, insécurise les
parents et les enfants, interdit tout projet d’avenir. Aujourd’hui,
pour les familles les plus pauvres, le montant du loyer constitue
souvent le seul et unique critère pris en considération au
détriment de la qualité du
logement ou de son
environnement. Qui dressera le bilan des conséquences de situations
d’habitations dans des logements inadéquats, en termes de retards
scolaires, de soins de santé, de familles éclatées, ou de
placements d’enfants
- L’escalade des prix
La flambée des valeurs
foncières et immobilières est une triste réalité wallonne. Cette
hausse de prix s’explique notamment par la proximité de certaines
provinces (Brabant wallon et Luxembourg - quid Verviers et Mons ?)
avec des zones réputées riches comme Bruxelles, le grand-duché du
Luxembourg et, dans une moindre mesure, l’arrondissement de Marche
(implantation militaire et afflux touristique).
D’une manière
générale, cette augmentation des prix du l’habitat oblige les
personnes à moyens ou bas revenus de faire des choix parmi les
ressources prioritaires de la vie quotidienne : habitat décent, état
de santé de leur famille (médecine, alimentation, vêtements),
charges locatives (électricité, eau, chauffage), mobilité. Pour
une province comme le Brabant wallon, l’escalade des
prix provoque quant à
elle le début d’un exode de la population vers les provinces
voisines, moins chères.
- Logements sociaux, colosses aux pieds d’argile
Face à la rude
concurrence du marché locatif privé, les sociétés de logements de
service public sont garantes d’un accès au logement à bon prix
pour les catégories de populations les moins aisées de Wallonie.
Malheureusement, l’aide du secteur public aux populations
économiquement plus fragilisées est largement insuffisante.
2.1
Un parc wallon trop étroit
Qu’on habite le
Borinage, le Luxembourg, le Brabant wallon ou la région verviétoise,
le constat est identique : les sociétés de logements sociaux
manquent cruellement de place pour accueillir ceux qui en auraient le
plus besoin. Pour la seule province du Brabant wallon, ce sont pas
moins de 2400 familles qui sont victimes de cette carence en
immeubles publics. Pour des raisons historiques et sociales mais
aussi parfois dû à des choix politiques régionaux ou locaux, la
province de Luxembourg ne compte, de son côté, qu’environ un seul
logement social pour 80 habitants, contre une moyenne d’un pour 33
en Wallonie. Incontestablement, il y a là un déficit à combler.
Pour ces deux provinces (quid Verviers Mons ?) on remarque par
exemple que presque la moitié des communes ne disposent pas de
logements sociaux (10/28 en Brabant, 50 % en Luxembourg) !
2.2
Difficultés financières
Face à ce manque de
place et devant le peu de possibilités de constructions neuves, des
sociétés de logements sociaux s’orientent vers la rénovation
d’anciens bâtiments industriels (Verviers). Si cette politique
peut paraître séduisante, il n’en reste pas moins que dans les
faits ces opérations de rénovations coûtent bien souvent plus
chers que de construire de nouveaux bâtiments.
Par ailleurs, et cela
n’est pas à négliger, le paradoxe principal du logement social
réside dans le fait que les loyers, et par-là les rentrées
financières des sociétés de logements sociaux, sont proportionnels
aux revenus des locataires que ces sociétés hébergent. On imagine
dès lors aisément l’impasse dans laquelle ces dernières
s’enfoncent petit à petit.
D’une manière
générale, il est indéniable que la situation du secteur du
logement social wallon est totalement aberrante. D’un côté, la
législation impose aux sociétés de logements d’offrir des
logements sociaux à bas prix. De l’autre, le budget de ces
sociétés doit afficher un équilibre financier sans faille. Bien
que cette tension entre politique sociale et gestion peut être
réduite par le soutien communal et provincial (don de terrains,...)
l’état de santé financier des sociétés de logements publics
reste donc très alarmant .
À l’heure actuelle, la
crise du logement public est à la base de la création progressive
de poches d’extrême pauvreté dans les provinces wallonnes. Un
phénomène qui s’illustre notamment par l’expansion du nombre de
résidents permanents dans des campings. Devant le manque de
logements locatifs (publics ou privés) et la surenchère des prix de
la location immobilière, certaines familles sont en effet
contraintes à déménager dans ces lieux d’habitats très
précaires.
Enfin, en ce qui concerne
les villes et les communes de moyenne importance, chacun peut
constater que la pauvreté et l’exclusion sont des réalités qui
se marquent par un « territorialisation » et une « ethnisation »
de l’occupation des quartiers qu’il nous faut combattre. Ces
réalités doivent être prises en compte dans une politique
d’aménagement des villes mais induisent également que les actions
de partenariat et de
participation qui pourraient être développées avec les gens
doivent se mener par rapport à des sphères géographiques limitées
tels les quartiers. Les initiatives encouragées en cette matière
par la Région Wallonne au travers des Quartiers d’initiatives
doivent être poursuivies et analysées.
2.3
Logements d’urgence et de transit
Les logements d’urgence
et de transit partagent les mêmes soucis que les sociétés de
logements de service public. Face à des situations d’urgence
(relogement d’une famille après un sinistre ou une expulsion,
accueil de réfugiés) même la plus petite commune devrait disposer
d’au moins un logement disponible.
Or on observe souvent (
Lux quid autres provinces ?) que moins d’une commune sur deux
dispose de ce types de logement. Ailleurs, les communes manque
cruellement d’une politique volontariste et seule en la matière
(Brabant wallon).
Pour un
politique publique volontariste
Le secteur du logement
wallon n’est pas au mieux de sa forme. C’est un euphémisme.
L’accès à un logement salubre et bon marché reste aujourd’hui
une entreprise bien difficile pour beaucoup de personnes détentrices
de revenus modestes. Or l’accessibilité à un tel type d’habitat
est un droit fondamental qu’un pays surdéveloppé comme la
Belgique devrait logiquement garantir.
Afin d’éviter que le
secteur du logement continue de créer des inégalités flagrantes
entre les
différentes couches
de la population wallonne, il paraît primordial de soutenir une
série de pistes politiques et sociales durables dans le domaine du
logement tant privé que public. Il faut tout d’abord réaffirmer
l’importance du rôle de l’acteur public afin de garantir le
droit constitutionnel au logement. Il faut appuyer l’action des
pouvoirs publics dans leur rôle de régulateur du marché. Le public
doit être un promoteur propre mais doit aussi agir sur le privé.
Une implication
volontariste du secteur public dans la gestion du prix du logement
paraît une première mesure nécessaire pour tempérer l’impact de
la stricte logique économique et permettre à tout un chacun un
accès réel au logement privé. Pour réguler et contrôler les prix
des locations, pourquoi ne pas suivre des pistes telles que le permis
de location ou la notion de « juste prix » ? Ensuite , il est
essentiel de favoriser une cohérence et une complémentarité entre
les acteurs publics (CPAS, médiateurs publics) et les différents
acteurs du logement (gestionnaires des logements sociaux,
associations). Une bonne gestion de la question du logement passe
inévitablement par une amélioration des collaborations et de la
coordination des services sociaux, le développement de pratiques
d’accompagnement social des personnes en difficulté de logement et
l’organisation d’espaces d’expression et de participation pour
ces personnes.
Cinq
mesures concrètes
- Appliquer la péréquation cadastrale afin que la taxation sur les propriétés s’applique de façon plus équitable entre ancienne et nouvelle construction. (Qui en a la compétence ?)
- Mettre en place un système de prêt à tempérament 0% pour la garantie locative comme cela existe depuis peu en région bruxelloise.
- Afin de revaloriser l’image du logement social (pour éviter l’effet Nimby) et pour lutter contre le phénomène de "territorialisation" de certains quartiers, imposer aux villes et villages un nombre minimum de logements publics sur leur territoire à travers le vote d’une loi du type “ Solidarité et Renouvellement Urbain ” à la française (compétence régionale), imposant un pourcentage minimum de 5 % de logements publics gérés par des Communes, CPAS, SLSP, AIS, ou OFS, et ce en supprimant les distinctions entre logement social, modeste et moyen pour calculer uniquement le loyers sur base des revenus des personnes.
- Au niveau fiscal (compétence fédérale et régionale), nous proposons la création d’un fonds de « solidarité logement », intercommunal ou provincial alimenté par une réforme de la fiscalité du logement, notamment par : la taxation des plus-values réalisées par la location de biens privés au delà d’un coefficient de rentabilité, la taxation sur les terrains non-bâtis et bâtiments inoccupés, le prélèvement sur leurs ressources fiscales pour les communes qui ne respectent pas ou ne mettent pas en œuvre le pourcentage minimum de 5 % de logements publics sur leur territoire.Dans ce cadre, le Schéma de Développement de l’Espace Régional (SDER) et la Commission Régionale d’Aménagement du Territoire prévoient la mise en place de Communautés Urbaines afin de favoriser des aires supra-communales via la péréquation fiscale entre zones urbaines et rurales. Il faut soutenir cette initiative qui nous paraît aller dans le sens de la solidarité entre communes.5) Afin de renforcer la participation conjointe et démocratique, l’attribution des fonds récoltés serait décidée par un Conseil du logement intercommunal ou provincial (compétence régionale) regroupant tous les acteurs du logement : politique, associatif, institutionnel et usagers. Les actions à mener seront notamment de : mobiliser les réserves foncières publiques : Province, communes, CPAS, SLSP,... renforcer le financement de l’AIS pour augmenter la prise en location des logements sur le marché privé, aider les sociétés de logements sociaux à revitaliser les centres urbains en subsidiant l’acquisition de logements à rénover.
Pour conclure, reprenons
un extrait de la charte des Assises pour l’égalité : "cœur
de tout projet politique authentiquement démocratique, l’aspiration
égalitaire doit être raffermie. de même, le critère d’égalité
doit être mis au centre du jugement porté sur les politiques
publiques". Et c’est donc aussi l’ambition des quatre
groupes pour le secteur du logement wallon qui mériterait d’être
replacé au centre de la politique publique. Une politique dont les
décideurs devraient, au jour le jour, travailler vers plus de
respect, de solidarité et d’égalité pour tout les habitants.
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