POURQUOI VOULOIR DEVENIR PROPRIÉTAIRE D'UN LOGEMENT SOCIAL?
C'EST UN VÉRITABLE FACTEUR D'INTÉGRATION ET UNE QUESTION D'ÉGALITÉ. LE DROIT À LA PROPRIÉTÉ DE SON LOGEMENT, APPLIQUÉ AVEC SUCCÈS DANS DE NOMBREUX PAYS, A PROUVÉ QU'IL CONSTITUE LA BASE DE L'AUTONOMIE ET DE L'ÉMANCIPATION SOCIALE DES INDIVIDUS.

dimanche 6 mai 2012

Enlisement du logement social en Wallonie


Logement en Wallonie : sortir de l’enlisement

Politique, revue de débats 06/05/12 -Ce texte a été présenté à la journée de clôture des Assises pour l’égalité, le 29 mars 2003.

Égalité dans l’accès au logement

Les Assises pour l’égalité en ont parlé à Verviers, Arlon, Louvain-la-Neuve et Mons. Pendant deux ans, elles furent les témoins privilégiés de situations de vie frisant parfois l’insupportable. Levée de voile, par des citoyens préoccupés, sur un secteur en danger.

L’article 23 de la Constitution belge proclame que "chacun a droit à un logement décent". Malheureusement, en Wallonie, placés dans l’impossibilité de pouvoir concrétiser ce droit, de plus en plus de familles et d’individus basculent dans la précarité, l’endettement et l’exclusion sociale.

Lors de la séance de clôture du chantier de l’égalité du Hainaut Occidental, une citoyenne tirait en effet la sonnette d’alarme : « Comment peut-on vivre décemment avec 1000 euros par mois quand on paie déjà 500 euros de loyer et de charges ? »
Depuis plus d’un an et demi, quatre chantiers des Assises se sont penchés sur la problématique du logement en région wallonne. Pour alimenter la réflexion, poser des constats et trouver des pistes d’actions égalitaires, les groupes de travail de Verviers, Arlon, Louvain-la-Neuve et Mons ont décidé de fonder leur démarche sur l’étude des nouveaux plans d’ancrage communal et sur l’expertise de personnes directement impliquées dans le secteur du logement (représentants de CPAS, d’AIS, de sociétés de logements de service public, de centres d’accueil, de
mandataires politiques...)

Un secteur en crise

Chacun sait l’importance du logement, lieu de sécurité, de garantie de vie privée, d’épanouissement et d’éducation. La maison, l’appartement, c’est la famille.
L’absence de foyer ou la perspective de cette absence mine le couple, insécurise les parents et les enfants, interdit tout projet d’avenir. Aujourd’hui, pour les familles les plus pauvres, le montant du loyer constitue souvent le seul et unique critère pris en considération au détriment de la qualité du
logement ou de son environnement. Qui dressera le bilan des conséquences de situations d’habitations dans des logements inadéquats, en termes de retards scolaires, de soins de santé, de familles éclatées, ou de placements d’enfants 
  1. L’escalade des prix
La flambée des valeurs foncières et immobilières est une triste réalité wallonne. Cette hausse de prix s’explique notamment par la proximité de certaines provinces (Brabant wallon et Luxembourg - quid Verviers et Mons ?) avec des zones réputées riches comme Bruxelles, le grand-duché du Luxembourg et, dans une moindre mesure, l’arrondissement de Marche (implantation militaire et afflux touristique).

D’une manière générale, cette augmentation des prix du l’habitat oblige les personnes à moyens ou bas revenus de faire des choix parmi les ressources prioritaires de la vie quotidienne : habitat décent, état de santé de leur famille (médecine, alimentation, vêtements), charges locatives (électricité, eau, chauffage), mobilité. Pour une province comme le Brabant wallon, l’escalade des
prix provoque quant à elle le début d’un exode de la population vers les provinces voisines, moins chères.
  1. Logements sociaux, colosses aux pieds d’argile
Face à la rude concurrence du marché locatif privé, les sociétés de logements de service public sont garantes d’un accès au logement à bon prix pour les catégories de populations les moins aisées de Wallonie. Malheureusement, l’aide du secteur public aux populations économiquement plus fragilisées est largement insuffisante.

2.1 Un parc wallon trop étroit

Qu’on habite le Borinage, le Luxembourg, le Brabant wallon ou la région verviétoise, le constat est identique : les sociétés de logements sociaux manquent cruellement de place pour accueillir ceux qui en auraient le plus besoin. Pour la seule province du Brabant wallon, ce sont pas moins de 2400 familles qui sont victimes de cette carence en immeubles publics. Pour des raisons historiques et sociales mais aussi parfois dû à des choix politiques régionaux ou locaux, la province de Luxembourg ne compte, de son côté, qu’environ un seul logement social pour 80 habitants, contre une moyenne d’un pour 33 en Wallonie. Incontestablement, il y a là un déficit à combler. Pour ces deux provinces (quid Verviers Mons ?) on remarque par exemple que presque la moitié des communes ne disposent pas de logements sociaux (10/28 en Brabant, 50 % en Luxembourg) !

2.2 Difficultés financières

Face à ce manque de place et devant le peu de possibilités de constructions neuves, des sociétés de logements sociaux s’orientent vers la rénovation d’anciens bâtiments industriels (Verviers). Si cette politique peut paraître séduisante, il n’en reste pas moins que dans les faits ces opérations de rénovations coûtent bien souvent plus chers que de construire de nouveaux bâtiments.
Par ailleurs, et cela n’est pas à négliger, le paradoxe principal du logement social réside dans le fait que les loyers, et par-là les rentrées financières des sociétés de logements sociaux, sont proportionnels aux revenus des locataires que ces sociétés hébergent. On imagine dès lors aisément l’impasse dans laquelle ces dernières s’enfoncent petit à petit.
D’une manière générale, il est indéniable que la situation du secteur du logement social wallon est totalement aberrante. D’un côté, la législation impose aux sociétés de logements d’offrir des logements sociaux à bas prix. De l’autre, le budget de ces sociétés doit afficher un équilibre financier sans faille. Bien que cette tension entre politique sociale et gestion peut être réduite par le soutien communal et provincial (don de terrains,...) l’état de santé financier des sociétés de logements publics reste donc très alarmant .

À l’heure actuelle, la crise du logement public est à la base de la création progressive de poches d’extrême pauvreté dans les provinces wallonnes. Un phénomène qui s’illustre notamment par l’expansion du nombre de résidents permanents dans des campings. Devant le manque de logements locatifs (publics ou privés) et la surenchère des prix de la location immobilière, certaines familles sont en effet contraintes à déménager dans ces lieux d’habitats très précaires.

Enfin, en ce qui concerne les villes et les communes de moyenne importance, chacun peut constater que la pauvreté et l’exclusion sont des réalités qui se marquent par un « territorialisation » et une « ethnisation » de l’occupation des quartiers qu’il nous faut combattre. Ces réalités doivent être prises en compte dans une politique d’aménagement des villes mais induisent également que les actions
de partenariat et de participation qui pourraient être développées avec les gens doivent se mener par rapport à des sphères géographiques limitées tels les quartiers. Les initiatives encouragées en cette matière par la Région Wallonne au travers des Quartiers d’initiatives doivent être poursuivies et analysées.
2.3 Logements d’urgence et de transit

Les logements d’urgence et de transit partagent les mêmes soucis que les sociétés de logements de service public. Face à des situations d’urgence (relogement d’une famille après un sinistre ou une expulsion, accueil de réfugiés) même la plus petite commune devrait disposer d’au moins un logement disponible.
Or on observe souvent ( Lux quid autres provinces ?) que moins d’une commune sur deux dispose de ce types de logement. Ailleurs, les communes manque cruellement d’une politique volontariste et seule en la matière (Brabant wallon).

Pour un politique publique volontariste

Le secteur du logement wallon n’est pas au mieux de sa forme. C’est un euphémisme. L’accès à un logement salubre et bon marché reste aujourd’hui une entreprise bien difficile pour beaucoup de personnes détentrices de revenus modestes. Or l’accessibilité à un tel type d’habitat est un droit fondamental qu’un pays surdéveloppé comme la Belgique devrait logiquement garantir.

Afin d’éviter que le secteur du logement continue de créer des inégalités flagrantes entre les
différentes couches de la population wallonne, il paraît primordial de soutenir une série de pistes politiques et sociales durables dans le domaine du logement tant privé que public. Il faut tout d’abord réaffirmer l’importance du rôle de l’acteur public afin de garantir le droit constitutionnel au logement. Il faut appuyer l’action des pouvoirs publics dans leur rôle de régulateur du marché. Le public doit être un promoteur propre mais doit aussi agir sur le privé.

Une implication volontariste du secteur public dans la gestion du prix du logement paraît une première mesure nécessaire pour tempérer l’impact de la stricte logique économique et permettre à tout un chacun un accès réel au logement privé. Pour réguler et contrôler les prix des locations, pourquoi ne pas suivre des pistes telles que le permis de location ou la notion de « juste prix » ? Ensuite , il est essentiel de favoriser une cohérence et une complémentarité entre les acteurs publics (CPAS, médiateurs publics) et les différents acteurs du logement (gestionnaires des logements sociaux, associations). Une bonne gestion de la question du logement passe inévitablement par une amélioration des collaborations et de la coordination des services sociaux, le développement de pratiques d’accompagnement social des personnes en difficulté de logement et l’organisation d’espaces d’expression et de participation pour ces personnes.

Cinq mesures concrètes

  1. Appliquer la péréquation cadastrale afin que la taxation sur les propriétés s’applique de façon plus équitable entre ancienne et nouvelle construction. (Qui en a la compétence ?)
  2. Mettre en place un système de prêt à tempérament 0% pour la garantie locative comme cela existe depuis peu en région bruxelloise.
  3. Afin de revaloriser l’image du logement social (pour éviter l’effet Nimby) et pour lutter contre le phénomène de "territorialisation" de certains quartiers, imposer aux villes et villages un nombre minimum de logements publics sur leur territoire à travers le vote d’une loi du type “ Solidarité et Renouvellement Urbain ” à la française (compétence régionale), imposant un pourcentage minimum de 5 % de logements publics gérés par des Communes, CPAS, SLSP, AIS, ou OFS, et ce en supprimant les distinctions entre logement social, modeste et moyen pour calculer uniquement le loyers sur base des revenus des personnes.
  1. Au niveau fiscal (compétence fédérale et régionale), nous proposons la création d’un fonds de « solidarité logement », intercommunal ou provincial alimenté par une réforme de la fiscalité du logement, notamment par : la taxation des plus-values réalisées par la location de biens privés au delà d’un coefficient de rentabilité, la taxation sur les terrains non-bâtis et bâtiments inoccupés, le prélèvement sur leurs ressources fiscales pour les communes qui ne respectent pas ou ne mettent pas en œuvre le pourcentage minimum de 5 % de logements publics sur leur territoire.
    Dans ce cadre, le Schéma de Développement de l’Espace Régional (SDER) et la Commission Régionale d’Aménagement du Territoire prévoient la mise en place de Communautés Urbaines afin de favoriser des aires supra-communales via la péréquation fiscale entre zones urbaines et rurales. Il faut soutenir cette initiative qui nous paraît aller dans le sens de la solidarité entre communes.
    5) Afin de renforcer la participation conjointe et démocratique, l’attribution des fonds récoltés serait décidée par un Conseil du logement intercommunal ou provincial (compétence régionale) regroupant tous les acteurs du logement : politique, associatif, institutionnel et usagers. Les actions à mener seront notamment de : mobiliser les réserves foncières publiques : Province, communes, CPAS, SLSP,... renforcer le financement de l’AIS pour augmenter la prise en location des logements sur le marché privé, aider les sociétés de logements sociaux à revitaliser les centres urbains en subsidiant l’acquisition de logements à rénover.
Pour conclure, reprenons un extrait de la charte des Assises pour l’égalité : "cœur de tout projet politique authentiquement démocratique, l’aspiration égalitaire doit être raffermie. de même, le critère d’égalité doit être mis au centre du jugement porté sur les politiques publiques". Et c’est donc aussi l’ambition des quatre groupes pour le secteur du logement wallon qui mériterait d’être replacé au centre de la politique publique. Une politique dont les décideurs devraient, au jour le jour, travailler vers plus de respect, de solidarité et d’égalité pour tout les habitants.
Mots Clés : Logement , Égalité

dimanche 29 avril 2012

La mixité passera par la vente des logements sociaux

L'habitat social, une réponse majeure à la crise !

Le Monde.fr | 25.04.2012 Par Thierry Bert, délégué général de l'Union sociale pour l'habitat


Les grandes campagnes électorales, lorsqu'elles se jouent dans des périodes socio-économiques difficiles et incertaines, exacerbent les inquiétudes et les opinions critiques dans la population. Les Français savent bien qu'en de telles occasions, leurs désirs ou leurs mécontentements sont mieux écoutés.

Le deuxième baromètre annuel que le Mouvement Hlm a présenté en avril 2012 sur le logement social n'échappe pas à cette règle. Les bons résultats enregistrés en 2011 par la première enquête sur l'image et la qualité globale des logements sociaux se sont en effet dégradés, alors que, dans la réalité l'état du parc Hlm n'a été d'aucune façon altéré un an plus tard. En revanche, la peur du déclassement social et la crise généralisée du logement soutiennent à l'évidence une perception globalement plus négative de la situation du logement en France.

L'enseignement majeur de ce baromètre, compte tenu de la période où il nous arrive, c'est ailleurs qu'il faut aller le chercher : dans le message politique fort que la population, dans son ensemble, exprime en faveur du logement social. Celui-ci, on le voit bien, n'est pas considéré comme une variable d'ajustement marginale mais bien comme un pan majeur de l'offre résidentielle, et plus largement sociale, du pays. Comment en serait-il d'ailleurs autrement quand on sait qu'en France 10 millions de locataires résident en Hlm, et que la précarisation de beaucoup de ménages, y compris parmi les professions intermédiaires, en raison d'un coût prohibitif des loyers dans les grandes agglomérations, s'accompagne de centaines de milliers de demandes non satisfaites.

Le logement cristallise beaucoup des préoccupations de la population. Pour la très grande majorité, c'est de loin la première dépense du foyer et il impacte donc fortement le pouvoir d'achat des ménages. L'habitat, c'est aussi un cadre de vie dans lequel se joue l'épanouissement social et culturel des individus et des familles. C'est enfin le lieu à partir duquel se vit l'appartenance à la Cité, au vivre ensemble, au pacte républicain et à ses valeurs. Tout cela est très loin d'être anodin.

Ce baromètre 2012 révèle clairement une demande citoyenne : les Français veulent plus de logement social, pour un logement plus solidaire, une société plus mixte et plus juste. Les Français plébiscitent la construction de logements sociaux, bien avant l'accès à la propriété et le développement de l'offre locative privée. Pour 91% des sondés, construire davantage de logements sociaux est une priorité. 80 % estiment qu'il n'y a pas assez de logements sociaux en France, et une personne sur deux considèrent qu'il n'y en a pas assez dans sa propre commune. On est loin des caricatures du Français égoïste qui veut bien des Hlm partout, sauf à côté de chez lui !

Pour 70% des Français, les responsables politiques ont les moyens d'améliorer les choses. Ces attentes s'expriment à l'attention des pouvoirs publics et, bien sûr, vers le futur Président de la République. Celui-ci devra prioritairement limiter les niveaux des loyers, priorité n°1 pour 47% des sondés. Il devra en outre résoudre le problème de l'offre et de l'accès pour mieux répondre à la demande de logement. Faciliter l'obtention de Hlm, augmenter l'offre disponible, favoriser une réponse solidaire envers les populations les plus fragiles : pour un tiers d'entre eux, les Français attendent des actes de leur Président sur ces questions.

En affirmant ne pas vouloir spécialiser le logement social dans l'accueil des plus pauvres, les Français confirment enfin, dans ce baromètre 2012, leur choix de société. Ils s'opposent à une vision "résiduelle" du logement social qui devrait se concentrer exclusivement sur l'accueil des plus démunis. 80% de la population réaffirme son attachement au renforcement de la mixité, comprise de 3 façons : urbaine d'abord, puisque 86% des personnes interrogées veulent que les logements soient répartis sur l'ensemble du territoire de la commune ; sociale ensuite, en souhaitant des attributions à de plus larges catégories sociales ; culturelle enfin, en prenant acte à 55% que les organismes évitent toute discrimination dans l'attribution des logements.

Bien que les Français trouvent encore timide le traitement de ce thème dans la campagne présidentielle (71% jugent que les candidats n'y accordent pas une place assez importante), il est indéniablement plus présent qu'en 2007. Quel que soit le résultat des urnes, il est fondamental pour le pacte républicain que le logement social reste un sujet de mobilisation politique.

Thierry Bert, délégué général de l'Union sociale pour l'habitat

lundi 16 avril 2012

Le point de vue du MOC

Logement social : un droit en débats

par Pierre Georis, secrétaire général du MOC 


Tout ce qui a été fait en matière de logement social n’est pas systématiquement très heureux. On en est à devoir investir des budgets pour détruire les logements les plus sinistres!

Un problème avec le logement ? Cela fait 20 ans qu’on sait qu’il existe ! Comment se fait-il que rien ne semble bouger ? Ou insuffisamment vite ? Ou avec insuffisamment d’effets ? Tandis que, jour après jour, s’accumule une masse inouïe de souffrances et de violences. Qu’est-ce donc qui explique l’impuissance des acteurs ? Une telle réalité laisse pantois. Faire sauter les verrous impose de comprendre pourquoi tout semble bloqué… sauf les hausses des loyers et des prix à l’acquisition. 
L’équation de base articule essentiellement deux problèmes : les difficultés d’accès au logement sont un cauchemar pour les personnes à faibles revenus – comment faciliter l’accès, que ce soit par des loyers « raisonnables » ou par l’acquisition d’une propriété adaptée ? – ; il y a pénurie de logements « convenables » disponibles. Bien entendu, plus la pénurie est importante, plus les prix sont élevés, plus le logement est rendu difficile d’accès pour ceux qui ne peuvent pas mettre le prix. 

(...) Dans le jargon de l’économie, on dira que « l’offre est inélastique » : une variation, même forte, du prix n’a pas d’impact significatif rapide sur l’offre. De manière générale, le raisonnement économique débouche donc sur un diagnostic d’inefficacité des politiques, qu’elles soient de blocage des revenus des bailleurs, autant que de l’amélioration de leurs revenus : quoi qu’on fasse, cela ne sert à rien. Nous avons affaire à une terrifiante théorie de l’impuissance.

Coincés par les budgets publics

Le descriptif de l’impuissance est évidemment trop « carré », car il subsiste malgré tout des marges pour des politiques. Exemples.
– Si on subventionne les bailleurs, au moins peut-on le faire par « ciblage » de catégories de locataires. C’est la thèse affinée des défenseurs de « l’allocation loyer », relayés par le Conseil consultatif du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (1). L’idée est non pas de distribuer l’allocation-loyer aux locataires, mais seulement aux bailleurs qui consentent, en contrepartie, à donner le bien en bail à un taux conventionné. Le subside octroyé doit être défalqué par le bailleur du loyer perçu. En quelques sortes, les autorités se substituent au locataire pour régler une partie de son loyer. Avec une telle formule, le bailleur ne peut profiter de l’introduction de la mesure pour rehausser ses loyers, tandis que le locataire modeste voit une moindre part de ses revenus gelée par le loyer à payer (l’idée additionnelle serait que le locataire ne doive pas mobiliser plus du tiers de ses revenus pour le loyer : le solde étant couvert par l’allocation).

– On peut diminuer la pression de la demande de location sur le marché privé, soit en favorisant l’accès à la propriété de son logement, soit en créant de nouveaux logements sociaux.

– On peut remettre en piste des logements inoccupés. (...)

Cette brève identification non exhaustive montre ceci : nombre de mesures ne sont applicables que moyennant la mobilisation directe ou indirecte (aides fiscales) de budgets publics. On sait que leur extension n’est pas vraiment à l’ordre du jour ! Augmenter les moyens dévolus au logement dans une enveloppe étriquée ne se fera pas sans arbitrages douloureux. Et quand bien même il y aurait brusquement un paquet d’argent frais pour construire du logement social, le moment de l’inauguration en serait encore éloigné ! Le constat ne doit pas interdire d’avancer : il existe en effet des mesures qui peuvent avoir de l’efficacité sans pour autant mobiliser de lourdes enveloppes budgétaires.
Sans aucun doute, le système des Agences immobilières sociales (AIS) peut être rangé dans cette catégorie. Encore faut-il que les volontés existent en suffisance pour organiser cette médiation entre bailleurs et locataires en sorte que des logements inoccupés puissent être remis en piste. Par ailleurs, à défaut de blocage des loyers, est-il concevable de mettre au point un système d’objectivation desdits loyers, en sorte qu’il y ait plus « juste prix » ? Plusieurs des voisins de la Belgique ont adopté un système d’objectivation. Par exemple, aux Pays-Bas, le locataire peut solliciter l’avis de la « commission de location (4) » sur la valeur effective du logement. La commission, qui regroupe paritairement des représentants de syndicats de locataires et de propriétaires, évalue le caractère raisonnable du loyer, en s’appuyant sur une liste de critères précis. Le loyer raisonnable maximal est communiqué aux parties : en cas de désaccord, elles peuvent saisir le juge du canton afin de faire établir la hauteur du loyer. Des formules (différentes) existent aussi en France et au Grand-Duché de Luxembourg, avec un même but d’objectivation de loyers.

(...)
La société telle qu’elle fonctionne
Le logement, c’est compliqué. Car tous les propriétaires ne sont pas des truands. Tous les locataires ne sont pas des anges de vertu. Malgré les apparences, la ligne de fracture ne passe pas précisément là où on distingue les bailleurs des locataires. Il conviendrait de nuancer l’image, en identifiant mieux où passe la vraie ligne de démarcation. Et puis, il y a tous ces problèmes connexes : si on construit du neuf, il faut aussi que cela s’inscrive dans des politiques correctes d’aménagement du territoire, de mobilité, de protection de l’environnement et de qualité de vie. De ces points de vue, tout ce qui a été fait en matière de logement social n’est pas systématiquement très heureux. On en est à devoir investir des budgets pour détruire les logements les plus sinistres!
(...)

dimanche 15 avril 2012

Logement La Région bruxelloise crée le bail de 9 ans

Fin du logement social à vie

Le SOIR - LHUILLIER,VANESSA Jeudi 12 avril 2012

La Région bruxelloise n’accordera plus de logement social avec un bail à durée indéterminée à partir de janvier 2013. En Wallonie et en Flandre, cela faisait déjà quelque temps que les logements sociaux n’étaient plus accordés ad vitam æternam. Bruxelles suit la tendance. Cette volonté de créer un bail à durée déterminée était inscrite dans l’accord de gouvernement de juillet 2009.

A l’automne dernier, le secrétaire d’Etat au Logement, Christos Doulkeridis (Ecolo) avait passé sa proposition en première lecture. « L’équité dans l’accès au logement social est une valeur essentielle, rappelle-t-il. Encourager la sortie du logement social des personnes qui ont eu besoin de ce coup de pouce à un moment donné, mais dont les revenus plus élevés permettent désormais d’accéder à un autre type de logement, cela permet de donner aux ménages en attente de meilleures chances d’accéder à leur tour à un logement social. C’est aussi un signal quant au rôle de tremplin social que doit continuer à jouer l’accès au logement social. »

Actuellement, à Bruxelles, près de 38.000 ménages sont en attente d’un logement social. La Région dispose d’un parc de 39.000 logements sociaux dont 35.000 sont occupés. Le besoin est donc criant. Pour le moment, les logements sociaux sont attribués pour une durée indéterminée. Lorsque les revenus des locataires dépassent de 50 % les plafonds, leur loyer est revu à la hausse mais ils ne peuvent être expulsés. Si leur logement ne correspond plus à la composition de ménage, les sociétés de logements sociaux (SISP pour Sociétés immobilières de service public) peuvent les orienter vers d’autres appartements mais ce n’est pas une obligation.

Avec la nouvelle disposition, les locataires qui signeront un bail dès janvier 2013, auront une évaluation de leur revenu au bout de 8 ans. Si depuis deux ans, ils dépassent le plafond de 50 %, ils devront quitter leur habitation. La SISP les aidera à basculer vers le locatif communal ou l’acquisitif de la SDRB. S’ils sont encore dans les conditions d’accès, leur bail est prolongé de 3 ans avec, au terme de l’échéance, une nouvelle évaluation des revenus. Et ainsi de suite, tous les 3 ans.

Pour Doulkeridis, le bail à durée déterminée montre que le logement social est une situation provisoire, une aide pour s’en sortir. Pour d’autres, faire partir les hauts revenus brisera la mixité sociale déjà peu existante.

En réalité, la mesure concerne peu de monde. En septembre 2011, les 33 SISP ont évalué le nombre de locataires dont les revenus étaient supérieurs de 50 % au plafond. Seuls 1.355 ménages sont concernés soit 4 % des logements loués. Il s’agit donc surtout d’une mesure symbolique, d’un changement de vision.

Les personnes de plus de 65 ans ou les handicapés échapperont à cette règle. La proposition doit encore être votée par le Parlement bruxellois. Elle devra entrer en vigueur le 1er janvier 2013.

samedi 14 avril 2012

L'accès à la propriété, un droit ou un luxe?

Accès à la propriété


"L’aide à l’accession est jugée moins coûteuse pour la collectivité que celle qui est tournée vers le locatif, en raison des efforts financiers consentis par les accédants eux-mêmes, largement supérieurs à ceux qu’ils accepteraient de supporter en tant que locataires."


Si en Belgique la question de la vente des logements sociaux plutôt que de leur location est quasi taboue, dans de très nombreux pays européens et de partout dans le monde, les gouvernements mènent une politique qui a pour but d’augmenter la proportion de propriétaires, nottament par la vente des logements sociaux.

Ainsi, l'accès à la propriété ne se limite pas à une aide à l'emprunt, il s'agit d'une véritable conception d'un droit au logement. Ce qui motive cette orientation se ressemble et est finalement une question de bon sens et de meilleure efficacité des politiques en faveur du logement. Au départ de la France, Bernard Vorms dresse un tableau de ces politiques dont la wallonie et la région Bruxelloise seraient bien inspirées...


Par Bernard Vorms(Directeur général de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil France), il dirige la revue Habitat actualité. Il est à l’origine de divers rapports d’expertise pour la Commission européenne)

Au souci de répondre aux préférences des ménages se mêlent diverses préoccupations.
La propriété est souvent envisagée comme un élément de stabilité sociale, comme le moyen d’une plus forte implication des habitants dans la vie de la cité. Ainsi, la diversité des statuts d’occupation dans un même quartier serait un facteur de mixité sociale propre à favoriser la requalification urbaine. Mais aider l’accession est également un moyen de soutenir l’activité du bâtiment, surtout si, comme c’est le cas en France, les aides sont plus importantes lorsqu’elles sont orientées vers les logements neufs.  


L’objet de l’intervention publique est alors, d’une part, de permettre aux ménages disposant de revenus modestes ou moyens d’avoir accès au crédit et, d’autre part, de les aider à faire face à leurs charges de remboursement. C’est sur ces deux registres qu’agissent principalement les politiques publiques.

En outre, l’aide à l’accession est jugée moins coûteuse pour la collectivité que celle qui est tournée vers le locatif, en raison des efforts financiers consentis par les accédants eux-mêmes, largement supérieurs à ceux qu’ils accepteraient de supporter en tant que locataires.

Enfin, l’accession est, pour les ménages modestes, le premier moyen de constitution d’un patrimoine. Les perspectives de l’équilibre des régimes de retraite confèrent une grande actualité à cet enjeu.
(...) L’évolution de la société rend encore plus impérieux ce souci de sécurité : divorce, chômage et mobilité sont des événements dont la probabilité s’accroît. Les opérations d’accession ne doivent plus être envisagées comme si le fait de les interrompre avant l’amortissement complet du prêt constituait un événement improbable.
En France, l’objectif affiché des pouvoirs publics, depuis la dernière élection présidentielle, est d’arriver à ce que la plupart des ménages soient propriétaires de leur logement lorsqu’ils cesseront leur activité et que leurs revenus se réduiront.
La crise actuelle remet-elle en cause la pertinence de cet objectif ? Le cas échéant, celui-ci pourra-t-il être poursuivi avec les mêmes instruments que ceux utilisés jusqu’alors pour encourager l’accession à la propriété ?
(...)

vendredi 16 mars 2012

Propriétaires, mais pour quoi faire?



LE LOGEMENT COMME MARQUEUR DU DÉCLASSEMENT SOCIAL

Pourquoi vouloir le droit à devenir propriétaire d'un logement social? Il s'agit d'une politique menée avec succès dans de nombreux pays et qui s'avère beaucoup plus efficace au niveau de l'offre de logements et du coût de la politique. 

La propriété de son logement signifie le droit à avoir un pouvoir de gestion sur son logement. C'est une question de dignité, de savoir que je vais pouvoir rester dans mon logement, qu'il m'offre cette sécurité, que je peux m'y investir, que je peux l'améliorer,...
 
C'est donc également une politique plus conforme à la dignité humaine, car elle donne aux individus les armes de leur autonomie plutôt que de les maintenir dans une dépendance sociale. 
A l’heure de l’avènement d’une nouvelle ” société des rentiers “, les frontières des inégalités se sont donc déplacées. Davantage que le sexe, ce sont aujourd’hui plutôt l’origine ethnique, le logement, le capital culturel et la stabilité professionnelle (Christian Baudelot) qui sont les marqueurs du déclassement. Irréductible à l’isolement, la solitude frappe ruraux et urbains ” désaffiliés “, les populations reléguées ou en rupture de ban avec la société, loin de la sociabilité numérisée d’individus bien intégrés et hyper-connectés.