POURQUOI VOULOIR DEVENIR PROPRIÉTAIRE D'UN LOGEMENT SOCIAL?
C'EST UN VÉRITABLE FACTEUR D'INTÉGRATION ET UNE QUESTION D'ÉGALITÉ. LE DROIT À LA PROPRIÉTÉ DE SON LOGEMENT, APPLIQUÉ AVEC SUCCÈS DANS DE NOMBREUX PAYS, A PROUVÉ QU'IL CONSTITUE LA BASE DE L'AUTONOMIE ET DE L'ÉMANCIPATION SOCIALE DES INDIVIDUS.

lundi 16 avril 2012

Le point de vue du MOC

Logement social : un droit en débats

par Pierre Georis, secrétaire général du MOC 


Tout ce qui a été fait en matière de logement social n’est pas systématiquement très heureux. On en est à devoir investir des budgets pour détruire les logements les plus sinistres!

Un problème avec le logement ? Cela fait 20 ans qu’on sait qu’il existe ! Comment se fait-il que rien ne semble bouger ? Ou insuffisamment vite ? Ou avec insuffisamment d’effets ? Tandis que, jour après jour, s’accumule une masse inouïe de souffrances et de violences. Qu’est-ce donc qui explique l’impuissance des acteurs ? Une telle réalité laisse pantois. Faire sauter les verrous impose de comprendre pourquoi tout semble bloqué… sauf les hausses des loyers et des prix à l’acquisition. 
L’équation de base articule essentiellement deux problèmes : les difficultés d’accès au logement sont un cauchemar pour les personnes à faibles revenus – comment faciliter l’accès, que ce soit par des loyers « raisonnables » ou par l’acquisition d’une propriété adaptée ? – ; il y a pénurie de logements « convenables » disponibles. Bien entendu, plus la pénurie est importante, plus les prix sont élevés, plus le logement est rendu difficile d’accès pour ceux qui ne peuvent pas mettre le prix. 

(...) Dans le jargon de l’économie, on dira que « l’offre est inélastique » : une variation, même forte, du prix n’a pas d’impact significatif rapide sur l’offre. De manière générale, le raisonnement économique débouche donc sur un diagnostic d’inefficacité des politiques, qu’elles soient de blocage des revenus des bailleurs, autant que de l’amélioration de leurs revenus : quoi qu’on fasse, cela ne sert à rien. Nous avons affaire à une terrifiante théorie de l’impuissance.

Coincés par les budgets publics

Le descriptif de l’impuissance est évidemment trop « carré », car il subsiste malgré tout des marges pour des politiques. Exemples.
– Si on subventionne les bailleurs, au moins peut-on le faire par « ciblage » de catégories de locataires. C’est la thèse affinée des défenseurs de « l’allocation loyer », relayés par le Conseil consultatif du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (1). L’idée est non pas de distribuer l’allocation-loyer aux locataires, mais seulement aux bailleurs qui consentent, en contrepartie, à donner le bien en bail à un taux conventionné. Le subside octroyé doit être défalqué par le bailleur du loyer perçu. En quelques sortes, les autorités se substituent au locataire pour régler une partie de son loyer. Avec une telle formule, le bailleur ne peut profiter de l’introduction de la mesure pour rehausser ses loyers, tandis que le locataire modeste voit une moindre part de ses revenus gelée par le loyer à payer (l’idée additionnelle serait que le locataire ne doive pas mobiliser plus du tiers de ses revenus pour le loyer : le solde étant couvert par l’allocation).

– On peut diminuer la pression de la demande de location sur le marché privé, soit en favorisant l’accès à la propriété de son logement, soit en créant de nouveaux logements sociaux.

– On peut remettre en piste des logements inoccupés. (...)

Cette brève identification non exhaustive montre ceci : nombre de mesures ne sont applicables que moyennant la mobilisation directe ou indirecte (aides fiscales) de budgets publics. On sait que leur extension n’est pas vraiment à l’ordre du jour ! Augmenter les moyens dévolus au logement dans une enveloppe étriquée ne se fera pas sans arbitrages douloureux. Et quand bien même il y aurait brusquement un paquet d’argent frais pour construire du logement social, le moment de l’inauguration en serait encore éloigné ! Le constat ne doit pas interdire d’avancer : il existe en effet des mesures qui peuvent avoir de l’efficacité sans pour autant mobiliser de lourdes enveloppes budgétaires.
Sans aucun doute, le système des Agences immobilières sociales (AIS) peut être rangé dans cette catégorie. Encore faut-il que les volontés existent en suffisance pour organiser cette médiation entre bailleurs et locataires en sorte que des logements inoccupés puissent être remis en piste. Par ailleurs, à défaut de blocage des loyers, est-il concevable de mettre au point un système d’objectivation desdits loyers, en sorte qu’il y ait plus « juste prix » ? Plusieurs des voisins de la Belgique ont adopté un système d’objectivation. Par exemple, aux Pays-Bas, le locataire peut solliciter l’avis de la « commission de location (4) » sur la valeur effective du logement. La commission, qui regroupe paritairement des représentants de syndicats de locataires et de propriétaires, évalue le caractère raisonnable du loyer, en s’appuyant sur une liste de critères précis. Le loyer raisonnable maximal est communiqué aux parties : en cas de désaccord, elles peuvent saisir le juge du canton afin de faire établir la hauteur du loyer. Des formules (différentes) existent aussi en France et au Grand-Duché de Luxembourg, avec un même but d’objectivation de loyers.

(...)
La société telle qu’elle fonctionne
Le logement, c’est compliqué. Car tous les propriétaires ne sont pas des truands. Tous les locataires ne sont pas des anges de vertu. Malgré les apparences, la ligne de fracture ne passe pas précisément là où on distingue les bailleurs des locataires. Il conviendrait de nuancer l’image, en identifiant mieux où passe la vraie ligne de démarcation. Et puis, il y a tous ces problèmes connexes : si on construit du neuf, il faut aussi que cela s’inscrive dans des politiques correctes d’aménagement du territoire, de mobilité, de protection de l’environnement et de qualité de vie. De ces points de vue, tout ce qui a été fait en matière de logement social n’est pas systématiquement très heureux. On en est à devoir investir des budgets pour détruire les logements les plus sinistres!
(...)

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