Logement social : un droit en débats
par Pierre Georis, secrétaire général du MOC
Tout ce qui a été fait en matière de logement social n’est pas systématiquement très heureux. On en est à devoir investir des budgets pour détruire les logements les plus sinistres!
Un problème avec le logement ? Cela fait 20 ans qu’on sait qu’il existe ! Comment se fait-il que rien ne semble bouger ? Ou insuffisamment vite ? Ou avec insuffisamment d’effets ? Tandis que, jour après jour, s’accumule une masse inouïe de souffrances et de violences. Qu’est-ce donc qui explique l’impuissance des acteurs ? Une telle réalité laisse pantois. Faire sauter les verrous impose de comprendre pourquoi tout semble bloqué… sauf les hausses des loyers et des prix à l’acquisition.
L’équation
de base articule essentiellement deux problèmes : les difficultés
d’accès au logement sont un cauchemar pour les personnes à faibles
revenus – comment faciliter l’accès, que ce soit par des loyers
« raisonnables » ou par l’acquisition d’une propriété adaptée ? – ;
il y a pénurie de logements « convenables » disponibles. Bien entendu,
plus la pénurie est importante, plus les prix sont élevés, plus le
logement est rendu difficile d’accès pour ceux qui ne peuvent pas
mettre le prix.
Coincés par les budgets publics
Le descriptif de l’impuissance est évidemment trop « carré », car il subsiste malgré tout des marges pour des politiques. Exemples.
– Si on subventionne les bailleurs, au moins peut-on le faire par « ciblage » de catégories de locataires. C’est la thèse affinée des défenseurs de « l’allocation loyer », relayés par le Conseil consultatif du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (1). L’idée est non pas de distribuer l’allocation-loyer aux locataires, mais seulement aux bailleurs qui consentent, en contrepartie, à donner le bien en bail à un taux conventionné. Le subside octroyé doit être défalqué par le bailleur du loyer perçu. En quelques sortes, les autorités se substituent au locataire pour régler une partie de son loyer. Avec une telle formule, le bailleur ne peut profiter de l’introduction de la mesure pour rehausser ses loyers, tandis que le locataire modeste voit une moindre part de ses revenus gelée par le loyer à payer (l’idée additionnelle serait que le locataire ne doive pas mobiliser plus du tiers de ses revenus pour le loyer : le solde étant couvert par l’allocation).
– On peut diminuer la pression de la demande de location sur le marché privé, soit en favorisant l’accès à la propriété de son logement, soit en créant de nouveaux logements sociaux.
– On peut remettre en piste des logements inoccupés. (...)
Cette brève identification non exhaustive montre ceci : nombre de mesures ne sont applicables que moyennant la mobilisation directe ou indirecte (aides fiscales) de budgets publics. On sait que leur extension n’est pas vraiment à l’ordre du jour ! Augmenter les moyens dévolus au logement dans une enveloppe étriquée ne se fera pas sans arbitrages douloureux. Et quand bien même il y aurait brusquement un paquet d’argent frais pour construire du logement social, le moment de l’inauguration en serait encore éloigné ! Le constat ne doit pas interdire d’avancer : il existe en effet des mesures qui peuvent avoir de l’efficacité sans pour autant mobiliser de lourdes enveloppes budgétaires.
(...)
La société telle qu’elle fonctionne
Le logement, c’est compliqué. Car tous les propriétaires ne sont pas des truands. Tous les locataires ne sont pas des anges de vertu. Malgré les apparences, la ligne de fracture ne passe pas précisément là où on distingue les bailleurs des locataires. Il conviendrait de nuancer l’image, en identifiant mieux où passe la vraie ligne de démarcation. Et puis, il y a tous ces problèmes connexes : si on construit du neuf, il faut aussi que cela s’inscrive dans des politiques correctes d’aménagement du territoire, de mobilité, de protection de l’environnement et de qualité de vie. De ces points de vue, tout ce qui a été fait en matière de logement social n’est pas systématiquement très heureux. On en est à devoir investir des budgets pour détruire les logements les plus sinistres!
(...)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire