La
réalité des logements sociaux en Wallonie.
a.
L’offre publique en matière de logement social12.
Selon
les chiffres de la SWL, fin 2004/début 2005, on ne comptait pas
moins de 103.200
logements
sociaux. Ce qui représente près de 7% du parc total des logements
en Wallonie. Ce
qui
attire surtout l’attention, c’est que parmi l’ensemble des
nouveaux logements sociaux
délivrés
chaque année jusque fin 2004, 81.6% d’entre eux ont été dédiés
au secteur locatif
contre
seulement 18.4% pour le secteur acquisitif. Ceci
montre bien l’importance de la
location
par le secteur public des logements sociaux.
Cependant,
l’offre publique reste trop faible en
regard des besoins. En effet, fin 2004, on
recensait
en Wallonie environ 49.000 candidats locataires en attente. Il est
cependant
relativement
difficile de chiffrer avec précision le nombre de ménages en
attente car ces
derniers
sont inscrits sur plusieurs listes de sociétés de logement et il y
a donc un phénomène
de
« multidemande ». Ils sont donc comptabilisés plusieurs fois, ce
qui fausse un peu les
calculs.
Selon le président de la Commission Logement, la demande de
logements sociaux est
surévaluée
et le chiffre réel tendrait plus vers les 30.000 demandeurs.
Voici
les derniers chiffres publiés en ce qui concerne
les ménages en attente d’un logement
social
dans les trois Régions du pays :
-
En Wallonie : 49.948 candidatures déposées. Dont 18000 pour Liège
avec un délai
d’attente
moyen de 6ans !
- En Flandres : 72.000.
- À Bruxelles : 25.000.
Si
l’on se porte à l’échelle du pays, ce sont
à peu près 140.000 ménages qui sont en demande
et
en attente d’un logement social, soit environ 3% des ménages
belges ! L’offre publique reste donc relativement faible dans les
trois Régions. Nous sommes en présence d’une
demande
surévaluée et d’une offre trop faible. Les
gens du secteur ainsi que le Gouvernement
doivent
absolument en tenir compte pour mettre en oeuvre des politiques
publiques plus
efficaces
et plus efficientes.
Deux
facteurs permettent d’avoir une offre réellement satisfaisante
: d’une part, il
faut une
augmentation
du nombre de logements locatifs disponibles et d’autre
part, du nombre de
locataires
quittant leur logement social.
Or,
en Wallonie, en se basant sur ces deux facteurs, on peut dire que
pour l’année 2003, seuls
7.976
logements sociaux ont été libérés et attribués à de nouveaux
locataires. Il y a donc une
rotation
très faible.
Un
autre problème, sans doute lié, est qu’il
existe de plus en plus de personnes bénéficiant
d’un
logement social qui est sous dimensionné (car
naissance d’enfant(s)) ou soit
surdimensionné
(car divorce, enfants quittant le foyer familial, etc.). On estime à
peu près à
60%
les logements sociaux qui sont touchés par ce phénomène. La
solution serait peut-être
instaurer
des baux à terme (d’une durée de 9 ans par
exemple).
Cependant,
même si elle reste faible, l’offre wallonne reste plus forte que
l’offre flamande.
Ainsi,
en Flandre, le nombre de logements par ménage s’élève, en 2004,
à 5.4% alors qu’en
Wallonie,
il atteint 7.2%. Une des raisons de cette différence est
certainement la disparité
socio-économique
entre les deux Régions. Il faut savoir qu’en Wallonie, plus de 80%
des
candidats
locataires sont considérés comme appartenant à la catégorie des
ménages en « état
de
précarité13 »
! Plus de 80% !
Le
but d’un logement social étant de donner la priorité aux
personnes les moins favorisées, on
comprend
mieux l’enjeu d’un tel secteur en Wallonie et on se doute
également que la régionalisation de la matière n’est pas
anodine, mais comme dans beaucoup de matières, il
existe
un réel fossé entre la réalité économique et les textes légaux.
b.
Les règles d’accession à un logement social.
Conformément
à son objectif de progrès social et de solidarité, le logement
social est doté de
règles
d’accession spécifiques qui doivent être
respectées par les candidats locataires.
On
l’a déjà dit, il a pour mission de favoriser les personnes les
plus démunies. Dans ce cadre,
un
système de discriminations positives est applicable afin d’aider
les ménages modestes.
Nous
retiendrons principalement les mesures suivantes :
-
L’admission des candidats locataires est
conditionnée par des plafonds de revenus.
-
L’octroi des logements disponibles est régi
par un système à points, qui détermine les
priorités
d’attribution selon les situations sociales des
candidats locataires.
Ainsi,
pour pouvoir bénéficier d’un logement social, les candidats ne
peuvent être
propriétaires
d’un logement et leurs revenus nets imposables ne peuvent excéder
20.000€ pour
une
personne isolée ou 25.000€ pour un ménage,
augmentés de 1860€ par enfants à charge.
Il
existe une importante fraude sociale pour tenter
de bénéficier du revenu d’intégration
sociale
(RIS), des allocations de chômage avantageuses, et/ou d’un
logement à bon prix (par
exemple
: les étudiants, les faux isolés, les veuves
joyeuses,…).
Le
prêt jeune, par exemple, a connu un succès
phénoménal auprès des étudiants, c’est
l’
« effet d’aubaine ».
Mais on constate que ce sont souvent les mieux informés qui
profitent
du
système (généralement des gens issus de milieux aisés). On voit
que plus le niveau de
scolarité
est élevé, plus la mobilité augmente et plus les gens bien
informés « profitent » du
système…Le
risque, à terme, de ce prêt
jeune est qu’il fasse exploser le budget de la Région,
il
risque donc d’être victime de son succès.
Ce
constat nous amène à penser qu’il faudrait peut-être
transformer l’« aide à la pierre » en
«
aide à la personne ».
c.
La création, l’entretien et la rénovation des logements sociaux :
le Programme exceptionnel d’Investissements (PEI).
«
Une des composantes importantes de la qualité
de la vie et
de
l'avenir d'une région est le logement : son architecture
(formes,
couleurs, matériaux), son état, son équipement14
». Institut Jules
Destrée
Les
aides publiques sont le principal moyen de financement pour le
renouvellement et
l’amélioration
des logements sociaux. Depuis quelques années déjà, les aides et
les
subventions
se sont littéralement démultipliées et diversifiées.
On
tend, depuis quelques années, à aller vers une « déghettoïsation
» des communes en se
basant
sur l’article 54 CWL :
acquisition de logements financés à 75% par la Région et le
reste
par le privé. On évite aussi au maximum de construire des immeubles
à plusieurs étages,
des
fameuses « tours », pour ne pas y rassembler toutes les personnes
moins favorisées (ce qui
est
le cas de Droixhe). On favorise également la mixité sociale au sein
des logements sociaux,
ce
qui amène un meilleur état d’esprit des personnes. Mais en même
temps, il faut éviter une
désurbanisation
des villes qui coûte très cher et essayer de ramener les personnes
dans les
zones
urbanisées.
Selon
l’Institut Jules Destrée15,
leur efficience est affaiblie par leur amoncellement même et
par
cette diversité des organes publics dispensateurs des aides.
Toujours selon l’Institut, la
politique
publique actuelle en matière de logements sociaux ou de logements
tout court est un
échec.
Plusieurs
causes sont énoncées :
-
La crise économique,
-
Les charges des prêts hypothécaires,
-
La baisse du pouvoir d’achat
et la précarité des revenus de certaines franges de la
population.
-
D’autres, évoquent des gestions « hasardeuses
» des sociétés de logement.
En
sept ans, les 78 sociétés de logements de service public ont perdu
105 millions d’euros et
ça
augmente d’années en années.
Après
cette critique assez forte, il s’agit de voir si les choses
évoluent en matière de création,
d’entretien
et de rénovation des logements sociaux.
Le
Programme Exceptionnel d’Investissement (PEI)16.
Le
PEI a été voté par le Gouvernement wallon en juillet 2003. Il est
très important car il
mobilise
plus d’un milliard d’euros en cinq ans (de
2004 à 2008) pour la revalorisation de tout
le
parc locatif social. La rénovation et l’entretien des logements
sociaux nécessitent beaucoup
d’argent.
La matière étant régionalisée, la Région
seule, ne peut accomplir cette tâche
financière,
et de même, un autofinancement du secteur est aussi largement
insuffisant.
Le
PEI amène des solutions en matière de financement. Les modalités
du financement sont
avantageuses
tant pour la Région wallonne que pour la SWL. En effet, la Région
Wallonne
permet
à la SWL de contracter un prêt maximal d’un milliard d’euros
remboursable sur 25
ans.
Ce prêt permet de financer le PEI à 100%, il se fait sur le marché
des capitaux belges et
surtout,
en partenariat avec la Banque Européenne d’Investissement (BEI).
La Région quant à
elle,
va « subsidier » la SWL pour le montant qu’elle
doit annuellement à la BEI. Ce qui
signifie
que la Région paye les travaux mais de manière plus légère mais
surtout que la SWL
ne
doit pas débourser un seul euro pour les missions de rénovation.
Les
objectifs du PEI17
Le
PEI va permettre donner un nouveau souffle au secteur du logement
social. Il consiste
essentiellement
en opérations de rénovation (cette opération concerne 36.000
logements) et en
opérations
de déconstruction (environ 1750 logements sont
visés d’ici à 2008). Il vient
renforcer
le rôle vital joué par les SLSP au niveau local et leurs moyens
d’action.
Par
exemple, en 2006, Chênée est un des plus gros chantiers avec 54
maisons rénovées pour
2,2
millions d’euros.
L’objectif
général du programme d’investissements pour “la
sécurisation et la salubrité du
parc
locatif” en Wallonie est de rétablir le
parfait état locatif des logements publics, et
ce, de
manière
durable. Il permet de rattraper un passif dans l'entretien et la mise
aux normes de
salubrité,
de sécurité et de confort du parc de logements sociaux.
Mais
un autre point important est le fait que ce programme va être
porteur d’emplois dans le
secteur
de la construction. Il est donc également un enjeu économique
important puisqu’il
peut
participer d’une façon ou d’autre à la relance économique et
sociale de la Wallonie.
Et
les gens dans tout ça ?
Le
PEI se soucie également de l’aspect humain et
social. Il y a une préoccupation
d’accompagnement
social des personnes qui devront « subir » les
transformations et les
rénovations.
Des campagnes d’information, d’explication et d’implication des
personnes
concernées
doivent être organisées. Les personnes dont les logements sont
rénovés ou
déconstruits
voient inévitablement un changement, certes temporaire, mais
néanmoins
important
car ils sont amenés à déménager ce qui veut parfois également
dire, des
changements
d’école pour leurs enfants par exemple. Ils
risquent donc de perdre leur
«
réseau » de voisinage existant pendant la période de rénovation
ou de déconstruction.
Le
PEI prend donc ce problème en compte en dialoguant et en
accompagnant les personnes
tout
au long des opérations. A cet effet, le
Gouvernement Wallon avait d’ailleurs
subventionné
les actions d’accompagnement et d’encadrement à hauteur de
124.000€ lors de
son
budget 2004.
Ce
type de mesure montre bien les enjeux de la politique du logement.
On
peut distinguer cinq enjeux importants18
:
- L’enjeu social.Le logement est vu comme un outil de cohésion et d’insertion sociale. Ils’affirme de plus en plus comme un élément déterminant de la restructuration des liens sociaux.
- L’enjeu économique.Le poids économique du secteur n’est pas négligeable. L’importance
de
la construction de logements au sein de l’économie est depuis
toujours reconnue. C’est
aussi
un secteur porteur d’emplois.
-
L’enjeu énergétique et
environnemental. Outre sa préoccupation
économique et sociale, le
logement
se soucie également de l’environnemental. La construction de
logements a un
impact
sur l’environnement et l’idée d’un «
logement durable » est de plus en plus à la
mode.
A
titre d’exemple, pour lutter contre l’effet de serre, des études
ont démontré que des mesures
relativement
simples et peu coûteuses comme l’isolation des toitures,
le placement de double
vitrage
ou le remplacement des chaudières vétustes peuvent contribuer de
manière
significative
à la réduction des gaz à effet de serre.
-
L’enjeu architectural. Le
logement peut renforcer l’image de marque de la Région. En effet,
selon
le CAWAC19,
cette idée est reprise très clairement. Le lien entre le caractère
agréable
d’une
région et la qualité des logements qu’il propose n’est plus à
faire.
-
L’enjeu en matière d’aménagement
du territoire. Le logement a également
pour but de
faire
des villes des lieux de vie. En effet, la ville connaît depuis
plusieurs décennies, un
mouvement
d’exode important. Ce dépérissement urbain a bien entendu des
conséquences
négatives
notamment pour la collectivité. Cela lui coûte cher (longs
déplacements, isolement
par
rapport aux lieux publics tels que les écoles, les administrations)
et il y a une
augmentation
de l’engorgement autoroutier non négligeable. La politique du
logement a donc
également
pour objectif de (re)convaincre l’habitant de faire le choix
urbain.
Les
politiques publiques : Quelles perspectives ?
Depuis
les élections régionales de 2004 et la Déclaration Politique
régionale, le
Gouvernement
Wallon s’est beaucoup investit dans le secteur du logement et
surtout, du
logement
social. Le fameux « Contrat d’Avenir
pour la Wallonie » constitué également
à la
suite
des élections régionales de juin 2004 met en oeuvre la Déclaration
Politique régionale
fixant
les objectifs du Gouvernement wallon et les axes d’action pour le
développement de la
Wallonie,
et ce, dans tous les domaines.
Le
Contrat d’Avenir pour la Wallonie (CAWA) et le logement social.
Le
CAWA a été mis à jour le 30 août 2005 mais il
n’y a pas eu de grands changements dans la
politique
du logement. Il trace la stratégie du développement régional voulu
par la Déclaration
de
politique régionale, son principal objectif est de «
garantir un logement décent à tous ».
Ce
slogan
est apparu avec le CAWA. Plusieurs mesures sont envisagées pour
aller dans ce sens,
en
voici les principales :
-
Le Gouvernement veut augmenter l’offre de
logements locatifs. L’objectif est d’arriver à
2000
logements sociaux chaque année (pour l’instant, on en est à 1300)
et pour cela, il faudra
trouver
d’autres enveloppes budgétaires (reconstruction PEI, prise
en location par les AIS)
ainsi
que d’autres politiques régionales (logements pour personnes
âgées, fonds propres
d’autres
opérateurs publics). Plusieurs chantiers de création et de
rénovations de logements
sociaux
sont prévus pour cette année et 2007.
-
Il est nécessaire de réorienter les aides aux particuliers pour
éviter l’effet d’aubaine de
certaines
aides régionales, de stopper l’emballement des aides « prêts
jeunes », etc.
-
Il faut renforcer le partenariat public/privé.
C’est Maastricht qui a été le déclencheur de
ce
type
de partenariat car il interdit aux communes de s’endetter. Une
sorte de leasing
location/vente.
C’est une sorte d’investissement déguisé pour éviter
d’augmenter la dette
publique,
c’est le privé qui finance (investissement alternatif).
-
Le CAWA veut permettre aux communes de percevoir une taxe dissuasive
sur les logements
inoccupés
auprès de leurs propriétaires et d’octroyer des avantages fiscaux
à ceux qui créeront
des
logements sociaux (pas de droit d’enregistrement, réduction
du précompte immobilier).
-
Il veut favoriser et soutenir les projets qui
favorisent la mixité de l’habitat dans un souci de
cohésion
sociale.
-
Inciter les pouvoirs publics locaux à réaffecter leurs bâtiments
non occupés à la politique du
logement.
Ce chiffre s’élèverait à 40.000 logements inoccupés. On
constate une amélioration
dans
ce sens à Liège par exemple : 406 logements inoccupés en 2000
contre 147 fin 2004.
Pour
l’instant, soulignons le fait que les communes
ne doivent pas exercer de contrôle sur les
sociétés
de logements. Il se fait par les commissaires du gouvernement. Mais
on a tendance à
glisser
vers un contrôle du conseil communal sur ces sociétés, voire même
sur les CPAS, avec
des
comptes rendus périodiques pour éviter les dérapages (c’est
entre autre ce que veut le
Ministre
Antoine), que l’unité de la vie démocratique
soit la commune.
www.far.be
Le
logement social en Wallonie : description et analyse critique. En
ligne :
http://www.far.be/publications2006/Logement%20social%20en%20Wallonie.pdf
notes
:
11
Pour cette partie, les chiffres
les plus récents proviennent du rapport d’activité 2004 de la
Société Wallonne du
logement.
Chiffres sur lesquels nous nous sommes basé puisque ce sont les plus
récents, le rapport 2005 n’étant
pas
encore publié au moment de la rédaction de ce travail.
12
Touchant à des points beaucoup plus pragmatiques de la
problématique du logement social, nous avons
interviewé
Patrick Avril, Député-Bourgmestre de la commune de Saint-Nicolas et
Président de la Commission
Logement
au parlement wallon.
13
Selon l’article 13 du code wallon du logement, on
vise par « ménage en état de précarité » :
-
La personne seule dont les revenus annuels imposables globalement ne
dépassent pas 10.000€ majorés
de
1860€ par enfant à charge.
-
Plusieurs personnes unies ou non par des liens de parenté et qui
vivent habituellement ensemble et dont
les
revenus annuels imposables globalement ne dépassent pas 13.650€
majorés de 1860€ par enfant à
charge.
-
À certaines conditions, le ménage faisant l’objet d’une
guidance auprès d’un service de médiation de
dettes
agréé par le Gouvernement.
14
Cyrille Crappe, Secrétaire général honoraire de l’Institut
national du logement.
15
http://www.wallonie-en-ligne.net/Wallonie-Futur-1_1987/WF1-130_Crappe-C.htm
16
http://www.swl.be/secteur/prog-excep/index.php
17
http://www.swl.be/secteur/prog-excep/index.php
18
N. Bernard et C. Mertens, Le logement dans sa
multidimensionnalité : une grande cause régionale, Ouvrage de
sensibilisation, DGATLP.19 Dans
sa fiche 43, avant la modification de 2005.
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